BIJOUX DE SCENE DE LA COMEDIE-FRANÇAISE
La Comédie-Française occupe une place à part dans le paysage théâtral français, européen et mondial. Fondée en 1680 par le roi Louis XIV, elle est depuis animée par une troupe permanente de comédiennes et de comédiens qui ont pour mission d’interpréter un répertoire de pièces françaises et étrangères. Théâtre de création, sa troupe constituée en société est la plus ancienne en activité au monde. La longévité de l’institution et son statut particulier ont permis de réunir un patrimoine unique témoignant de cet art de l’éphémère, le théâtre. Les bijoux de scène en font partie. Objets paradoxaux, ils se situent aux confins du vrai et du faux. Les parures conçues spécifiquement en faux pour le théâtre cohabitent avec les plus précieux joyaux offerts aux interprètes et portés sur scène. Eléments d’ornement du costume porteurs d’une esthétique, ils peuvent aussi servir à l’intrigue théâtral et ainsi être manipulés en jeu. Leur symbolique est forte et les dramaturges ont recours au bijou-accessoire en de multiples occasions pour définir et dénouer les situations. Aux yeux du public, l’objet factice rend crédible les scenarii de fiction. L’École des Arts Joailliers, s’étant donné pour mission de faire connaître les usages du bijou ainsi que son élaboration à travers les siècles et sur tous les continents ne pouvait que s’intéresser à la collection exceptionnelle de bijoux de scène de la Comédie-Française. Portés par les plus grands comédiennes et comédiens, ils imitent et réinventent les bijoux d’époques et de civilisations très variées et sont parfois les témoins de pratiques joaillières du passé dont les parures précieuses, remontées, refondues pour suivre une mode en constante évolution, ont disparu. Une partie de ces bijoux a fait l’objet d’une restauration, mécénée par L’École des Arts Joailliers, précédée d’une étude technique et historique menée en collaboration par les deux institutions. Le sujet des bijoux de scène est inédit. C’est un chantier qui s’ouvre, prometteur de recherches futures et de découvertes. En faisant le choix du « toc » pour ouvrir son nouveau lieu, l’Hôtel de Mercy-Argenteau, L’École des Arts Joailliers nous montre qu’au-delà de la qualité des matériaux et de la virtuosité des techniques, la préciosité se mesure à l’histoire que les bijoux racontent, une histoire des arts, des femmes et des hommes qui les ont portés.
Photographies des bijoux : L’École des Arts Joailliers – Benjamin Chelly.
Un catalogue complet est disponible : Les Bijoux de scène de la Comédie-Française, sous la direction de Guillaume Glorieux et d’Agathe Sanjuan. Paris : Gallimard, L’Ecole des Arts Joailliers, 2023. Il présente la totalité des pièces exposées, leurs notices et commentaires, ainsi que des essais sur l’art du bijou de scène. L’ouvrage est disponible en librairie et à l’École des arts joailliers.
Toc en stock : les réalités du bijou de scène
Les bijoux de scène n’ont besoin ni d’or, ni d’argent, ni de pierres précieuses. L’essentiel est l’illusion théâtrale, que les faux fassent vrai. Le bijou est partout au cœur des intrigues théâtrales, mais on ne conserve aucun objet avant le XIXe siècle. C’est par l’iconographie et les archives qu’on le retrouve ceignant les fronts, serpentant le long des bras, des poignets et des doigts, s’affichant sur les poitrines des actrices et des acteurs dans l’exercice de leur art. En l’absence d’artefact, il faut se livrer à un travail archéologique et documentaire pour déterminer les usages du bijou de scène. On y lit que le théâtre fournit les bijoux aux actrices et aux acteurs lorsqu’ils remplissent une fonction dramaturgique : on les considère alors comme des accessoires de scène indispensables, des embrayeurs de l’action. En revanche, ceux qu’arborent les comédiens et comédiennes dans leurs portraits en jeu sont le plus souvent des ornements laissés à leur interprétation. De la même manière qu’ils sont maîtres de leur garde-robe théâtrale, les artistes choisissent librement les bijoux-ornements qui concourent à l’esthétique de la scène. Ces parures mettent en valeur l’interprète, son costume, son personnage par des traits caractéristiques, ils ajoutent au faste de la représentation mais sont parfois en contradiction avec l’action, notamment quand ils sont dictés par la mode du jour. Par ailleurs, les bijoux de scène ont suivi les réformes du costume de scène qui, depuis le milieu du XVIIIe siècle jusqu’au romantisme, tendent vers une plus grande vérité historique et géographique des parures, réclamant une unité, une vision d’ensemble, l’adéquation du costume et de ses ornements avec le temps et l’esprit de la pièce. On cherche le bijou juste, dans un souci d’authenticité.
Mémoire signé de Lavoy, 1708
Mlle Clairon dans le rôle d’Ariane (« Ariane » de Thomas Corneille), gouache de Fesch, vers 1766
Diadème aux étoiles sur tremblants, XIXe siècle
Peigne aux perles montées sur cannetille, XIXe siècle
« Le Philosophe marié » (acte V, scène dernière), gravure de Charles Dupuis, d’après Nicolas Lancret, 1741
Registre, dit Agenda de Desrosières, vol. II, 1800-1803
Mlle Dumesnil dans le rôle d’Agrippine (« Britannicus » de Jean Racine), huile sur toile de Donat Nonnotte, 1754
Parures à l’antique
Au milieu du XVIIIe siècle, Lekain (1729-1778) et Mlle Clairon (1723-1803), tragédien et tragédienne de premier plan, envisagent une première évolution du costume de scène, influencés par Voltaire et sa conception du théâtre historique. Le dramaturge souhaite en effet que les costumes de ses pièces soient adaptés au temps et au lieu de l’action. À la fin du XVIIIe siècle, la réflexion se centre sur le costume à l’antique d’inspiration gréco-romaine, sous l’impulsion de Larive (1747- 1827) et surtout de Talma (1763-1826). Ce dernier entreprend une réforme de la scène dès la Révolution, influencée par le néoclassicisme de JacquesLouis David (1748-1825) qui dessine pour le théâtre décors et costumes. C’est dans la suite de ce mouvement de retour à l’esthétique antique, qui touche toute la société, que les bijoux de tragédie classique vont évoluer. Couronnes de laurier et d’olivier, camées et bandeaux d’or ornés de frises « à la grecque » et de palmettes s’imposent alors sur les scènes parachevant le nouveau costume indispensable du répertoire classique : la toge. Le tragédien Talma est le comédien le plus connu de sa génération. Il entretient avec Napoléon une amitié faite d’admiration réciproque et de complicité esthétique et politique. Cette proximité de l’artiste et de l’Empereur se lit jusque dans l’écrin de scène du tragédien. Le théâtre est parfaitement en phase avec l’esthétique de l’Empire, son goût de l’antique et le bijou de scène en sont le témoignage.
Mlle Raucourt, huile sur toile de Charles-François Phélippes, vers 1815
Couronne de laurier portée par Talma, [1820-1826]
Lekain en empereur romain, pastel sur papier de Pierre-Martin Barat, [1773]
Fibules, fin du XIXe siècle
Fibules, fin du XIXe siècle
Fibules, fin du XIXe siècle
Couronne de laurier portée par Talma dans le rôle de Néron (« Britannicus » de Jean Racine), [1814]
Couronne de laurier portée par Talma dans le rôle de Néron (« Britannicus » de Jean Racine), [1814]
Talma, rôle de Néron dans « Britannicus », paru dans la galerie théâtrale « Collection de portraits des artistes des théâtres de Paris », Paris, Noël aîné et Cie, lithographie colorée au pochoir de Francisque Noël, d’après Alexandre-Marie Colin, [1820-1830]
Couronne à motif de feuilles d’olivier de Talma dans le rôle d’Auguste (« Cinna » de Pierre Corneille), [1819]
Glaive d’apparat de Talma et son fourreau, par Henry Osborne, 1825
Glaive de théâtre et son fourreau ayant appartenu à Talma, vers 1825
Bijoux de scène romantiques
La recherche du pittoresque et de la couleur locale propre à la scène romantique unit interprètes et dramaturges et passionne le public ébloui. La Comédie-Française subit en la matière la rude concurrence des théâtres de boulevard. La période qui va des années 1830 à la fin du siècle est marquée par la personnalité de Rachel (1821-1858), tragédienne qui remet au goût du jour le répertoire classique, porte sur scène mieux que personne la toge à l’antique, mais incarne dans sa vie le type même de l’héroïne romantique. Sa carrière fulgurante – elle meurt à trente-six ans – la mène de la Comédie-Française à toutes les cours d’Europe et jusqu’aux États-Unis. Elle apporte un soin tout particulier à la conception de ses costumes et de ses parures. Le romantisme se caractérise entre autres par l’inflation du nombre de bijoux que l’on peut admirer sur scène, par leur variété et leur renouvellement dans tous les styles. Avec Rachel, jamais Phèdre n’eut plus de bijoux, elle qui proclame à l’acte I : « Que ces vains ornements, que ces voiles me pèsent. » Quand Mlle Raucourt (1756-1815) possédait un unique diadème, Rachel en accumule un grand nombre, dont la qualité de réalisation est digne des plus grands joailliers. Même Marie Dorval, égérie des romantiques, ne peut en dire autant.
Diadème de Rachel aux perles et camées pour le rôle de Phèdre (acte I), [1843]
Rachel dans le rôle de Phèdre, photographie de Henri de La Blanchère, vers 1855
Diadème de Rachel aux pierres de couleur pour le rôle de Phèdre (acte II), 1843
Rachel dans le rôle de Phèdre, dessin de C. Fuhn, d’après Mayer et Pierson, société de photographie, années 1860
Paire de bracelets aux camées ayant appartenu à Rachel, [1838-1858]
Collier aux camées ayant appartenu à Rachel, fin des années 1840
Couronne de laurier ayant appartenu à Rachel, offerte par la ville de Lyon, 1840
Diadème de Rachel aux camées, [1838-1858]
Maquette pour trois modèles de colliers à l’antique, milieu du XIXe siècle
Bague au serpent ayant appartenu à Rachel, [1838-1858]
Diadème de Rachel aux pierres roses de type « kokochnik », [1838-1858]
Bracelet aux émaux de Rachel, [1838-1858]
Couronne de fleurs séchées de Rachel, 15 mai 1841
Médaillon avec portrait de Rachel, Daux & Cie joaillier, Antonine Lapoter miniaturiste
Peigne en corail de Rachel, [1838-1858]
Couronne de laurier de Marie Dorval, [1848]
Poignard de Marie Dorval, [1830-1840]
Collier de l’ordre de la Toison d’or, [1884]
Bressant dans le rôle de Don Carlos (« Hernani » de Victor Hugo), photographie de Louis Bacard, 1867
Maubant dans le rôle de Don Carlos (« Hernani » de Victor Hugo), photographie Atelier Nadar, 1877
Raphaël Duflos dans le rôle de Don Carlos (« Hernani » de Victor Hugo), huile sur toile de Léon Comerre, [1887]
François Beaulieu (Ruy Blas) et Geneviève Casile (la Reine) dans « Ruy Blas » de Victor Hugo, mise en scène de Jacques Destoop, 1979
Collier de l’ordre de l’Eléphant, seconde moitié du XIXe s.
Bracelet de répertoire à motif de serpent, vers 1880
Rachel dans le rôle de Camille (« Horace » de Pierre Corneille), huile sur toile d’Edouard Dubufe, 1850
Bracelet de répertoire articulé à motif de serpent, vers 1880
Bracelet de répertoire à motif de tête de chien, vers 1880
Bracelet de répertoire à ornement de nacre, vers 1880
L’orientalisme sur scène
L’Orient fascine la France des XVIIe et XVIIIe siècles et particulièrement les scènes théâtrales. Expéditions et missions diplomatiques véhiculent un imaginaire stimulant pour les artistes. Mais si les pièces de théâtre – notamment de Voltaire – sont assez exactement situées dans le temps et l’espace, les parures entretiennent un certain flou sous le terme générique d’exotisme. Malgré les efforts des acteurs, Gengis Khan – présenté par Voltaire comme le roi du Tartare dans L’Orphelin de la Chine, la pièce se déroulant à Pékin – arbore à peu près le même costume qu’Orosmane, soudan de Jérusalem dans Zaïre. Les acteurs portent caftans et kurdis pour les turqueries et divertissements orientaux. Les bijoux sont essentiels au rendu pittoresque ; leur composition est laissée au choix des interprètes en l’absence de documentation fiable. Certains éléments récurrents permettent au public d’identifier les personnages : turbans ornés d’aigrettes, croissants – symbole de l’Empire byzantin, d’Asie Mineure ou plus tardivement de l’Islam – et couronnes à pointes richement ornées. Les travaux archéologiques intéressent néanmoins les comédiens qui s’en inspirent pour certains éléments très caractéristiques comme le pectoral du Grand Prêtre Joad dans la tragédie Athalie de Racine.
Mlle Clairon dans le rôle de Roxane (« Bajazet » de Jean Racine), miniature sur ivoire, [1747-1766]
Lekain dans le rôle de Ninias et Mlle Dumesnil dans le rôle de Sémiramis (« Sémiramis » de Voltaire), gravure d’après Whirsker, 1777
Couronne dite de Mlle Raucourt dans le rôle de Cléopâtre (« Rodogune » de Pierre Corneille), vers 1807
Costume de Mlle Raucourt dans le rôle de Cléopâtre, dans la tragédie « Rodogune » au Théâtre-Français, galerie théâtrale Hautecœur-Martinet, 1807
Lucinde Paradol dans le rôle d’Idamé (« L’Orphelin de la Chine » de Voltaire), huile sur toile de Sébastien Dulac, 1827
Rachel dans le rôle de Roxane (« Bajazet » de Jean Racine), huile sur toile de Pierre-Joseph Dedreux-Dorcy, [1842]
Poignard de Rachel pour le rôle de Roxane (« Bajazet » de Jean Racine), [1838-1854]
Pectoral ayant servi à Mounet-Sully pour le rôle de Joad (« Athalie » de Jean Racine), 1892
Maquette pour le costume de Joad (Mounet-Sully) dans « Athalie » de Jean Racine pour la reprise de 1909
Mémoire de Labateux, fournisseur et réparateur d’armes, de bijoux et d’objets métalliques, 29 mars 1806
Julia Bartet dans la deuxième version du costume de Bérénice, photographie de François Chéri-Rousseau, après 1899
Monstres sacrés, acteurs-bijoux
C’est du nom de « montre sacré » que Jean Cocteau qualifie les interprètes qui ont marqué son parcours de jeune spectateur : Sarah Bernhardt, Mounet-Sully, Julia Bartet, Édouard De Max… Ces figures majeures de la Belle Époque, adorées du public pour leur jeu et leur présence scénique, apportaient un soin tout particulier à la reconstitution historique. Les comédiennes sont des symboles de l’Art nouveau et travaillent main dans la main avec les créateurs, peintres et joailliers. Sarah Bernhardt pousse le plus loin l’art du bijou scénique. Perles, pierreries, broderies d’or et d’argent se propagent souvent sur l’ensemble du costume faisant d’elle une femme-bijou, procédé exacerbé dans Théodora de Victorien Sardou, où l’ornementation précieuse recouvre littéralement la comédienne. Le bijou perd alors son autonomie et devient une partie intégrante du costume, ce que l’art théâtral va confirmer au XXe siècle. Le costumier va définitivement prendre le relais des comédiens et l’intégrer à une vision globale du personnage en accord avec la mise en scène : bijoux cousus, recomposés à partir d’éléments divers, imités en applications de textiles, ils sont peu à peu indissociables du costume. Parallèlement, les comédiennes deviennent les modèles des créateurs joailliers de l’Art nouveau en portant à la scène leurs bijoux d’avant-garde, telles Sarah Bernhardt et Julia Bartet pour René Lalique.
Broche en hommage à Sarah Bernhardt, par René Lalique, 1896
Couronne de Sarah Bernhardt pour le rôle de la Reine (« Ruy Blas » de Victor Hugo), 1879
Sarah Bernhardt dans le rôle de la Reine (« Ruy Blas » de Victor Hugo), photographie de Achille Mélandri, 1879
Bague de Sarah Bernhardt, attribuée à René Lalique, fin du XIXe s.
Paire de bracelets de scène de Sarah Bernhardt, fin du XIXe s.
Sarah Bernhardt dans « Théodora », photographie de Max Stuffer, 1884
Pectoral de Julia Bartet, vers 1900
Couronne d’Édouard de Max en Néron (« Britannicus » de Jean Racine), 1915
Édouard de Max en Néron (« Britannicus » de Jean Racine), photographie Studio Cautin et Berger, vers 1915
Pendentif de Béatrix Dussane, vers 1900-1910
Béatrix Dussane, Portraits d’Art Félix, vers 1906
Deux épingles à chapeau ayant appartenu à Béatrix Dussane, vers 1910
Rivière ayant appartenu à Béatrix Dussane, vers 1930
Bracelets ayant appartenu à Béatrix Dussane, années 1950
Parure bleue composée d’un collier, de boucles d’oreilles et d’un élément de corsage ayant appartenu à Béatrix Dussane, vers 1940
Collier aux pierres bleues ayant appartenu à Béatrix Dussane, vers 1960
Bracelet à motif de serpent ayant appartenu à Louise Conte, vers 1950
Diadème porté par Martine Chevallier et Véronique Vella dans le rôle d’Esther (« Esther » de Jean Racine) pour la mise en scène de Françoise Seigner en 1987
pour les représentations de mars à juillet 2025
JEU 16 JANV à partir de 11h
achat des places aux tarifs Cartes 2024-2025
MER 22 JANV à partir de 11h
achat des places pour tous les publics individuels et les groupes
Le calendrier sera disponible fin décembre sur notre site Internet
Sauf contrainte technique majeure, aucune place ne sera vendue aux guichets.
L’achat en ligne est vivement conseillé pour obtenir une réponse immédiate sur la disponibilité des dates des spectacles et du placement souhaités.
En raison du renforcement des mesures de sécurité dans le cadre du plan Vigipirate « Urgence attentat », nous vous demandons de vous présenter 30 minutes avant le début de la représentation afin de faciliter le contrôle.
Nous vous rappelons également qu’un seul sac (de type sac à main, petit sac à dos) par personne est admis dans l’enceinte des trois théâtres de la Comédie-Française. Tout spectateur se présentant muni d’autres sacs (sac de courses, bagage) ou objets encombrants, se verra interdire l’entrée des bâtiments.