« la Pensée, la Poésie et le Politique » de Karelle Ménine et Jack Ralite Conception et interprétation Christian Gonon SEUL-EN-SCÈNE Singulis Du 14 septembre au 31 octobre 2020, Studio-Théâtre.
Dire les mots de Jack Ralite est une résistance. Une résistance à tous les renoncements. Culturel, politique, poétique…
Une résistance puissante, entière et généreuse qui puise sa force dans une intelligence sensible de l’Humain. Une résistance avec pour seule arme le verbe et la clairvoyance des poètes. Leurs voix que l’on ne sait plus entendre. Un compagnonnage qui nous tire vers plus de hauteur. Antoine Vitez parlait de l’acteur qui mettait ses pas dans ceux du poète, comme un marcheur dans le sable qui met ses pieds dans les traces de celui qui le précède. Pour que le temps ne les efface pas. J’essaie de retrouver les sentiers de tous les combats, de toutes les révoltes de Jack Ralite. Je me glisse dans sa pensée comme dans un habit de lumière. À chaque carrefour je croise Aragon, Char, Hugo, Vilar, Saint-John Perse, Baudelaire… À la question toujours posée : « Pourquoi écrivez-vous ? », la réponse du poète sera toujours la plus brève : « Pour mieux vivre. »
Jack. Très chouette ton texte de présentation sur moi, mes engagements, mes combats, mes amitiés, les poètes et le théâtre… et puis après… tu crois que ça peut faire un spectacle ?
Silence
Qui ça va intéresser ?
Silence
Tu as prévu une scénographie, des lumières, un peu de musique ? Il y aura à voir ? Parce qu’au théâtre c’est important tout ça !
Moi. Oui j’y ai pensé… mais c’est pas si simple.
Silence
À chaque fois que je t’ai écouté tu étais sur scène derrière une table, un micro, quelques livres et un gros tas de papiers et c’est tout…
Jack. Eh bien t’as qu’à partir de là ! C’est simple et c’est bien moi !
Silence… long
Moi. Et puis après… ?
Jack. Je parle de quoi quand je parle du théâtre… hein ? Une fête de l’imagination, de l’intelligence et de la beauté… un artiste prend le risque d’être suspendu dans le vide et accepte ce travail en fragilité composé d’une répétition besogneuse qui ne sait pas d’avance ce qu’elle recherche !
Silence… long… très long…
Moi. Voilà, c’est ça. Je ne sais pas encore… disons que pour l’instant je suis tellement suspendu dans le vide que je ne vois plus le sol.
Jack. Bon, je t’aide, imagine : une fin d’après-midi à Avignon… le chant des grillons dans le verger derrière le Palais des papes… l’air est doux et tu veux juste nous parler de Poésie, de Théâtre et un peu aussi de Politique… et puis sur une lecture qui n’est pas prévue de Baudelaire, ton regard se lève vers le ciel traversé d’un vol de martinets et ton enfance se raconte… tu quittes ta petite table et, toi qui n’es pas acteur (puisque tu es moi… tu me suis ?), tu te prends au jeu, au plaisir du jeu… du Je(u) qui est un autre bien sûr… et petit à petit le théâtre arrive ! Et alors ton imagination rencontre mon imaginaire (que personne ne connaît puisque c’est mon secret d’enfant), que toi seul peux inventer et nous donner à voir, à entendre, à ressentir, à comprendre, mon amour pour le Théâtre et les Artistes !
Tu le sais, la rencontre avec le public est un geste intime et délicat… Joue avec ce mouvement fébrile, et que la scène regorge et palpite d’une vie indiscrète !
Le reste est silence…
Christian Gonon, mars 2020
Voici l’histoire d’un homme incorruptible qui a consacré toute sa vie à la politique non par goût du pouvoir mais avec la conviction que là où le politique travaille avec intelligence, l’humanité respire mieux. Né dans la Marne en 1928, Jack Ralite avait rejoint le mouvement communiste à la sortie de la Seconde Guerre mondiale après avoir rencontré en son sein une farouche résistance à l’ennemi et une générosité sans limite. Il sera toute sa vie fidèle au Parti, auquel il adhéra en 1947, non sans en être un vigilant esprit critique. Élu conseiller municipal d’Aubervilliers en 1959, ville qu’il ne quittera jamais, il sera ensuite maire, député, ministre sous le gouvernement Mauroy, puis sénateur.
Ami d’Aragon, Jack Ralite aimait les mots plus que tout et la poésie, qu’il ne quittait jamais. Intrigué par la passion de ce jeune homme, Jean Vilar l’invita à le rejoindre afin d’organiser au sein du Festival d’Avignon naissant des rencontres politiques interrogeant les liens entre l’art et la société. Ces Rencontres furent, selon les mots de Jean Vilar lui-même, parmi les faits les plus importants du Festival. Jack retournait chaque été à Avignon en amoureux du théâtre, en amoureux de ces instants où un public traverse une même émotion et partage des mêmes questions.
S’il fut ministre du Travail et ministre de la Santé, Jack Ralite était avant tout un homme politique relié au monde culturel et fervent défenseur de tout ce qui le concernait. Il n’avait pas de plus forte colère que celle qui concernait les attaques faites au cinéma, au théâtre, à la littérature, ou à la liberté. À l’initiative en 1987 des États généraux de la culture, il en fut le président jusqu’à sa mort en 2017. Parmi tant de combats, il s’engagea pour l’exception culturelle et contre les accords de libéralisation du commerce. Il fut surtout l’ami inconditionnel des artistes et disait volontiers qu’il avait appris à vivre et faire de la politique à leurs côtés.
Rencontrer un jour Jack Ralite. Puis, durant des mois, échanger avec lui sans détour. Faire face, avec lui, à une exigence envers la pensée et une attention hors norme pour les mots. Le contraire du babillage ; quelque chose de singulier, de profond, et de combatif. Se dire alors que ce que cet homme interroge et travaille est au bon endroit du « ici et maintenant », du « et maintenant on fait quoi ? ». Que ce vieil homme de quarante ans de plus que moi est un contemporain visionnaire. Aussi, pas à pas, en amitié littéraire, s’atteler à la rédaction d’un livre, malgré ses réticences à se voir mis sur papier, à croire que « cela n’intéresse peut-être plus grand monde, la pensée d’un homme politique… ». Ben si, en fait : cela passionne. Et aujourd’hui, alors qu’il n’est plus là, songer qu’il aurait été honoré d’être joué à la Comédie-Française. Lui, l’ancien ministre du Travail et de la Santé, l’ancien sénateur, le compagnon infatigable des artistes et des causes culturelles, le fidèle, le résistant, l’ami d’Aragon, de Jean Vilar et de tant d’autres, aurait été heureux de passer de l’autre côté du rideau, d’être du côté des planches, d’être face au silence de celles et ceux qui viennent au théâtre pour être secoué.e.s. Modeste, il se serait assis et aurait attendu de nous rencontrer ensuite dans les couloirs, pour continuer encore et encore d’interroger le passé afin, ensemble, de continuer à écrire l’avenir.
Karelle Ménine, mars 2020
Crédits iconographiques :
Portrait de Christian Gonon © Stéphane Lavoué, coll. Comédie-Française
Jack Ralite et Karelle Ménine © Willy Vainqueur, service communication ville d’Aubervilliers
La Pensée, la poésie et le politique
pour les représentations de mars à juillet 2025
JEU 16 JANV à partir de 11h
achat des places aux tarifs Cartes 2024-2025
MER 22 JANV à partir de 11h
achat des places pour tous les publics individuels et les groupes
Le calendrier sera disponible fin décembre sur notre site Internet
Sauf contrainte technique majeure, aucune place ne sera vendue aux guichets.
L’achat en ligne est vivement conseillé pour obtenir une réponse immédiate sur la disponibilité des dates des spectacles et du placement souhaités.
En raison du renforcement des mesures de sécurité dans le cadre du plan Vigipirate « Urgence attentat », nous vous demandons de vous présenter 30 minutes avant le début de la représentation afin de faciliter le contrôle.
Nous vous rappelons également qu’un seul sac (de type sac à main, petit sac à dos) par personne est admis dans l’enceinte des trois théâtres de la Comédie-Française. Tout spectateur se présentant muni d’autres sacs (sac de courses, bagage) ou objets encombrants, se verra interdire l’entrée des bâtiments.