Une mystification littéraire ?
Le 7 mars 1843, Les Burgraves de Victor Hugo sont joués pour la première fois à la Comédie-Française. Très vite naît un mythe théâtral autour de cette date : celui de la chute des Burgraves, pièce après laquelle Victor Hugo arrêterait d’écrire et avec lui toute la file des dramaturges romantiques. Le drame romantique, avec Les Burgraves, rendrait donc son dernier souffle. Mais ce « Waterloo du romantisme », comme l’a baptisé Camille Latreille dans sa thèse en 1899(1), n’est qu’une construction de l’histoire littéraire et culturelle véhiculée dans les manuels scolaires de la fin du XIXe siècle et d’une grande partie du XXe siècle, occultant ainsi la vérité de l’histoire du drame romantique.
En effet, la pièce de Victor Hugo n’a pas chuté : 33 représentations sont données en 1843 à la Comédie-Française, nombre de représentations tout à fait honorable pour une telle pièce à l’époque. Comment expliquer alors qu’un tel mythe ait pu être forgé à l’encontre des faits historiques ?
Les Burgraves représentent avant tout un événement médiatique en 1843. En effet, Mlle Maxime, qui devait jouer le rôle de Guanhumara, est renvoyée au bout d’une trentaine de répétitions pour être remplacée par Mme Mélingue. Mlle Maxime monte alors une véritable cabale contre Victor Hugo : bien avant la première le 7 mars, des journalistes proches de l’actrice dressent déjà un tableau noir de la pièce. Au-delà de ce règlement de comptes, le prétendu échec des Burgraves incarne la lutte incessante entre les classiques et les romantiques au XIXe siècle. Contre les excès et la démesure du drame romantique, les classiques en appellent à la sobriété et à la retenue. Or, c’est ce qu’ils prétendent trouver dans une pièce de Ponsard jouée au même moment à l’Odéon : Lucrèce, qui signerait le renouveau de l’esthétique classique. Pour les adversaires du romantisme, répandre l’idée de la chute des Burgraves en 1843, c’est donc limiter le drame romantique à une période très courte. Il commencerait avec la bataille d’Hernani en 1830 et se terminerait treize ans plus tard. Aux deux extrémités de cette périodisation erronée trône Victor Hugo : si le prétendu chef de file arrête d’écrire pour le théâtre, tous les autres auteurs romantiques aussi. C’est bien évidemment passer sous silence toute une part de l’écriture théâtrale romantique.
En réalité, si Hugo arrête de publier en 1843, c’est à cause de la mort de sa fille Léopoldine. Les autres auteurs romantiques continuent de produire des drames pendant des dizaines d’années. Non seulement, donc, Les Burgraves n’ont pas été un échec, mais encore ils ne marquent nullement la fin du drame romantique. L’histoire littéraire a plutôt voulu faire croire à leur chute pour minimiser l’influence du romantisme.
Agathe Giraud, Doctorante en Littérature française à l’Université Paris-Sorbonne, prépare une thèse sur La Création et la réception des Burgraves de 1843 à nos jours
La bibliothèque-musée vient de faire l’acquisition d’une aquarelle d’Hippolyte Ballue représentant une scène des Burgraves lors de leur création en 1843.
(1) Camille Latreille, La Fin du théâtre romantique et François Ponsard d’après des documents inédits, Paris, Librairie Hachette et Cie, 1899.
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