« Le Roi Lear » d’après William Shakespeare adaptation Thomas Ostermeier et Elisa Leroy traduction Olivier Cadiot mise en scène Thomas Ostermeier du 23 septembre 2022 au 26 février 2023, Salle Richelieu
Le Roi Lear est souvent présenté comme une pièce sur la mort. Avant la mort viennent la vieillesse et la succession qui m'intéressent davantage et qui cristallisent le propos de cette œuvre extraordinaire et somme toute peu montée. Le roi sortant, vieillissant, ne cède pas le pouvoir à un autre roi ni même à un autre homme mais à ses trois filles Goneril, Regan et Cordelia. Le transfert de pouvoir est toutefois assorti d’une condition : une déclaration d’amour de chacune d'elles à leur père. Cette requête hors norme laisse entendre que Lear se projette en futur époux de ses filles. Si Regan et Goneril lui servent le discours qu’il espérait, Cordelia, sa préférée, ne cède pas à l’hypocrisie de ses aînées et affirme ne pas pouvoir assurer son père de tout son amour alors qu’elle s’apprête à prendre époux.
Lear est humilié. La peur paranoïaque que personne ne le prenne plus au sérieux le ronge et la folie le gagne. Non seulement il perd la gouvernance mais avec elle tout pouvoir de séduction tandis qu’alentour on s’impatiente de le voir encore aux commandes. Les malheurs des pays et civilisations modernes ne sont-ils pas essentiellement provoqués par ces femmes et ces hommes qui ont fait leur temps et pourtant s’accrochent au pouvoir ?Déshéritée, Cordelia part retrouver son époux le roi de France alors que Goneril et Regan se partagent le royaume.
Bientôt excédées par les humeurs d’un père qui fondamentalement n’est jamais parvenu à céder le pouvoir mais s’est plutôt attaché à recevoir des preuves d’amour réconfortantes, elles vont faillir à leur promesse. Chassé du château de Goneril, Lear se voit refuser l’accès au domaine de Regan et erre dans la lande, nu comme un bébé, au milieu d’une tempête. Il retrouve son état originel de créature. La tentative de Cordelia de reconquérir le pouvoir et de sauver son père se solde par un échec. Elle est jetée en prison avec lui.
Dans une réflexion sur la vieillesse, la richesse, l’héritage et la transmission de pouvoir, Shakespeare introduit par des scènes miroirs une histoire parallèle où Gloucester se fait ravir le pouvoir par Edmund, son fils illégitime, très jaloux des prétendus privilèges réservés au fils légitime Edgar. Le même Edmund qui représente précisément la puissance qui échappe à Lear, tente de séduire Goneril et Regan pour accéder au trône et ainsi au pouvoir absolu. La fin de la pièce montre la fille bien aimée et le père au cœur brisé réunis dans la mort... Dois-je prendre le parti de cette fin tragique, mais mélodramatique, ou bien imaginer, lorsqu’il est question de pouvoir, que tout bouge mais finalement tout demeure ? Si l’on s’interroge sur l’issue la plus tragique, je ne suis pas sûr que la première l’emporte sur la seconde.
C'est la deuxième fois que je traduis une pièce de Shakespeare pour Thomas Ostermeier. En 2018, il avait mis en scène, Salle Richelieu, La Nuit des rois ou Tout ce que vous voulez. J'ai employé la même méthode cette fois encore en traduisant cette pièce en prose (sauf les chansons). Il s'agissait d'abord de chercher la plus grande fluidité du texte pour que ce soit dicible sur scène ; clair et sans emphase. Mais aussi parce qu'une traduction en vers, s'inspirant de la métrique élisabéthaine, ne fonctionnerait pas. Il n'y a pas de vers français aujourd'hui capable d'accueillir le vers anglais de cette époque. Une forme fixe employée ici nous éloignerait du texte en le ramenant vers le XIXe siècle.
Mais c'est moins une question de versification que de syntaxe. Après avoir effectué ce travail de mise à plat en passant par la prose, il s'agissait ensuite de redonner une forme à ces paroles. La typographie m’a été d’une grande aide ; les grands tirets, par exemple, qui expriment et signalent des pensées quasi intempestives, ou les points de suspension qui indiquent qu'il s'agit d'avouer, de suggérer ou d'inventer un mot. Ce qui est passionnant dans ce travail très long et lent, c'est qu'il s'agit de comprendre ce que les formules de Shakespeare signifient profondément, et de chercher au milieu des ornements ce que les personnages veulent se dire et nous dire. Ensuite en bouleversant la syntaxe, il faut trouver le ton juste pour le rendre présent – il ne s'agit pour autant pas de moderniser la langue.
Comme le plus souvent chez Shakespeare, on assiste à une sorte de battle de mots, et Lear est au centre de toutes ces langues qui l'assaillent: cris et chuchotements de ses filles, humour noir de son fou professionnel, délire d'un faux fou, sentences des dieux, manipulation de sa cour, harcèlement de son propre cerveau... Et lui-même change de langage à plusieurs reprises: après avoir parlé comme un roi fou furieux il va divaguer sur la lande comme un enfant fou et utopique, puis finir par parler merveilleusement, comme guéri, juste avant de mourir. Il s'agit de traduire cette incroyable palette de langage qui va de l'extrême gravité au second degré ironique en passant par le lyrisme le plus sincère. À l'image de Lear, les autres personnages vivront des métamorphoses extraordinaires. Il faut traduire afin que le texte soit dicible sur scène tout en ne perdant pas son extrême complexité. Cette complexité n'est pas un ornement gratuit (même si on a quelquefois affaire à des pastiches maniéristes), il faut essayer de comprendre ce que disent ces personnages dans leurs monologues éperdus et trouver le rythme de chacun.
Olivier Cadiot
Traducteur
Le Roi Lear, William Shakespeare, traduit de l’anglais par Olivier Cadiot, Collection Fiction, P.O.L, 1er septembre 2022.
Pour Le Roi Lear, Thomas et moi avions le souhait de travailler avec des cuivres sur scène. Les cuivres, avec la splendeur de leur son représentant le pouvoir royal.
Comme pour La Nuit des rois, nous voulions nous intéresser musicalement à l'époque de la création de la pièce de Shakespeare. Cette fois-ci, nous nous sommes placés un peu plus tard dans l'histoire de la musique que les contemporains du dramaturge anglais, à l'époque de la musique baroque des XVIIe et XVIIIe siècles, qui a vu naître et briller les premières œuvres pour cuivres.
Afin de réduire l'effectif des musiciens et de mettre à profit mon expérience de la trompette – mon instrument principal – j'ai décidé de faire appel à deux trompettistes, qui peuvent jouer sur scène, à différents endroits de la salle ou des coulisses tout un répertoire de compositions baroques et originales allant d'arrangements à deux voix, inspirés de compositions de Bach, Telemann, Biber ou Purcell, à des morceaux atonaux contemporains. Noé Nillni, Arthur Escriva et Henri Déleger connaissent aussi bien la musique historique que la musique contemporaine et expérimentale. Ils joueront en partie sur des trompettes baroques historiques.
Au cours de mes recherches, je me suis également intéressé à la musique pour cordes et clavecin. Il peut s'agir de brefs signaux de trompette annonçant des apparitions royales ou de passages musicaux servant de transition entre les scènes ou de musique d'accompagnement pendant les scènes. La trompette peut créer une atmosphère sonore avec des bruits d'air ou des techniques d'attaques percussives. Ainsi, elle sera amplifiée et sortie de son contexte d'origine. Enfin, des effets électroniques viendront altérer davantage le son original de l’instrument dans certains passages. Au lieu d’avoir recours à la diffusion par enceintes, j'aimerais produire sur scène la grande tempête de l'acte III exclusivement avec des bruits et des sons de trompette.
Nils Ostendorf,
Compositeur
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