Les Culottées de La Comédie-Française

Comédiennes, autrices et employées de la Comédie-Française ont fait son histoire, comme leurs homologues masculins. Elles ont toutefois rencontré nombres d’obstacles, fait face à des préjugés de tous ordres et bravé bien des interdits. « Culottées » de Pénélope Bagieu nous invite à revisiter certaines de leurs destinées.

Mlle Clairon (1723-1803)

Mlle Clairon été élevée dans un milieu très modeste. Fascinée par une actrice qu’elle a aperçue un jour, elle décide de devenir elle-même comédienne. Sans éducation, elle prend des cours de chant, de danse et de comédie. Elle débute à Rouen où un faux roman autobiographique paraît la décrivant comme une femme légère qui monnaye ses charmes sous le nom de Frétillon.
Cette réputation la suit jusqu’à Paris où certains s’opposent alors à son entrée à la Comédie-Française. C’est compter sans son obstination. Elle parvient à ses fins en 1743 et devient la plus grande tragédienne de son temps. Admirée par le public, modèle de Diderot, amie de Voltaire et l’une de ses comédiennes préférées, elle doit se retirer en 1766 pourtant au sommet de sa carrière, après un affrontement avec les autorités à propos d’un comédien malhonnête avec lequel elle n’entend plus jouer. Cela lui vaut même d’être incarcérée au For-l’Evêque, elle y est toutefois conduite en carrosse et y tient salon. Après sa retraite, elle œuvre pour faire lever l’excommunication des comédiens et se rend auprès du jeune margrave d’Ansbach, éperdu d’amour, dont elle mène les affaires avec la fermeté d’une femme d’État. À la veille de la Révolution, elle rentre à Paris, réduite à la misère, et rédige ses Mémoires.

Mlle Raucourt (1756-1815)

Mlle Raucourt connait un grand succès à la Comédie-Française dès ses débuts à 16 ans. Affichant son homosexualité, elle est renvoyée de la Troupe, parcourt l’Europe avec sa compagne puis est rappelée par Marie-Antoinette en 1779. Royaliste, elle est emprisonnée en 1793 mais parvient à échapper à la guillotine. Réintégrée à la Comédie-Française en 1799, elle est sollicitée par Napoléon pour organiser les tournées d’une troupe française en Italie et porter le prestige du théâtre français.
Elle se retire et se consacre à l’horticulture. Lorsqu’elle meurt en 1815, le curé de Saint-Roch refuse l’entrée du cercueil dans son église mais la foule enfonce les portes de l’édifice.

Rachel (1821-1858)

Rachel naît dans une famille juive d’artistes ambulants. Douée, elle débute à la Comédie-Française et ne tarde pas à en devenir l’étoile à seulement 18 ans. Le public l’adore et déserte le théâtre lorsqu’elle est absente.
Elle négocie ses contrats contre tous les usages, et obtient également l’autorisation de partir pour de très longues tournées. Mais elle s’épuise et meurt à 37 ans atteinte de phtisie.
On peut la considérer comme la première star internationale : elle sillonne l’Europe jusqu’en Russie, les mers jusqu’aux États-Unis et à Cuba. Elle collectionne les amants et n’a qu’une loyauté, celle qui l’attache à sa famille pour qui elle travaille jusqu’à l’épuisement.

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  • Rachel faisant un pied de nez / Jean-Victor Andrieux, 1853, daguerréotype. © P. Lorette, coll. Comédie-Française

Sarah Bernhardt (1844-1923)

Sarah Bernhardt est elle aussi une star internationale. En 1862, elle entre une première fois à la Comédie-Française mais en est renvoyée après avoir giflé une sociétaire. Après ses succès au Théâtre national de l’Odéon notamment dans Ruy Blas, elle est engagée une seconde fois, mais ne supporte pas les usages de la Troupe.
Profondément indépendante, elle quitte la Comédie-Française avec fracas ce qui lui vaut un procès qu’elle perd. Mais la star est demandée sur toutes les scènes du monde. Son mode de vie est extravagant : ruinée plusieurs fois, elle vit dans des intérieurs luxuriants peuplés de bêtes sauvages. Elle dirige plusieurs théâtres et donnera son nom à l’actuel Théâtre de la Ville à Paris. Pendant la Première Guerre mondiale, amputée d’une jambe, elle joue au Théâtre aux armées pour soutenir les poilus.

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  • Sarah Bernhardt, peintre, dans son atelier, vers 1880. © Melandri

Suzanne Lalique (1892-1989)

Suzanne Lalique, illustratrice, décoratrice d’intérieur, peintre, est la première femme à accéder à un poste très important à la Comédie-Française puisqu’elle y dirige à la fois les ateliers de costumes et de décors. À la demande de Charles Dullin, Suzanne Lalique débute sa collaboration avec la Troupe en 1937 en signant les décors et les costumes de Chacun sa vérité de Luigi Pirandello. Discrète, elle œuvre dans l’ombre et son style décoratif marque durablement la Comédie-Française qui lui confie jusqu’au début des années 1970 pas moins de 80 spectacles mis en scène entre autres par Jean Meyer, Jacques Charon ou Maurice Escande. Ses décors ont voyagé dans le monde entier et, en 1954, pour la première tournée d’une troupe occidentale en URSS, ce sont ses décors qui accompagnent la Troupe pour jouer Le Bourgeois gentilhomme de Molière. Suzanne Lalique répond également aux sollicitations de l’Opéra national de Paris et du Festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence.

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  • Suzanne Lalique avec un figurant du Bourgeois gentilhomme, 1951, coll. Comédie-Française

Véra Korène (1901-1996)

Véra Korène, actrice juive d’origine russe, est engagée comme pensionnaire en 1931 et devient sociétaire en 1936. Sa carrière est interrompue par la guerre : déchue de sa nationalité française et renvoyée de la Comédie-Française, elle se réfugie au Canada. Elle est réintégrée au sortir de la guerre et sera la première femme à mettre en scène la Troupe. Elle doit affronter le jugement des sociétaires doutant de ses capacités, comme en témoigne la décision du comité alors qu’elle fait répéter Athalie en 1955 : « Athalie, dans la mise en scène de Mme Korène (générale prévue pour le 19 avril) : Le Comité délègue M. le Doyen pour assister l’Administrateur dans les travaux d’étude de la mise en scène de cette pièce. »
Elle est d’ailleurs mise à la retraite dans la foulée malgré l’immense succès de son spectacle. Elle prend alors la direction du Théâtre de la Renaissance et continue à mettre en scène.

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  • Véra Korène, Studio Harcourt, coll. Comédie-Française

Agathe Sanjuan
conservatrice-archiviste de la Comédie-Française

Article publié le 18 janvier 2024
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