« Véronique est une des grandes voix de la Comédie-Française alliant une impressionnante technique avec un souci constant du sens. C’est une diseuse en musique exceptionnelle qui a fait le bonheur de nos plateaux joués et chantés depuis très longtemps. C’est elle qui a donc décidé, accompagnée par Benoît Urbain, arrangeur et multi instrumentiste génial, de son tour de chant. Elle a choisi nombre de chanteurs et chanteuses de son panthéon musical ayant mis en musique les poèmes les plus beaux de la littérature : Verlaine et Rimbaud par Ferré, Genet par Hélène Martin, Andrée Chedid par Mathieu Chedid, Antonin Artaud par C. Richard... » ÉRIC RUF
Singulis musical / Poètes, vos papiers
conception et interprétation Véronique Vella
arrangements Benoît Urbain
Du 5 FÉVR > 2 MARS 2025
Véronique Vella. C’est un récital.
Benoît Urbain. C’est un détour de chant.
Véronique Vella. On ne saurait mieux dire. Merci Benoît pour cette formule pertinente. Et c’est aussi un oxymore, puisque c’est un Singulis à deux
Véronique Vella. À vrai dire, c’est plutôt le vocable « comédienne » que j’ai dû imposer. À la fin des années 1980, dans le théâtre en France et à la Comédie-Française particulièrement, on considérait qu’il existait d’un côté les acteurs et les actrices, de l’autre les chanteurs et chanteuses lyriques ; entre les deux, il y avait cette « chose » traitée avec plus ou moins de mépris : la chanson… Quand je suis entrée à la Comédie-Française, à 21 ans à peine, nous étions avec Thierry Hancisse les seuls membres de la Troupe à savoir « aussi » chanter. Il m’a été compliqué, dès lors, de faire entendre que je n’étais pas que cela. Du reste, je ne suis pas une chanteuse, Benoît Urbain le sait, lui qui connaît les voix : je suis une comédienne qui sait chanter… Mais une précision me tient à cœur : lorsque je chante, ce qui compte est avant tout mon métier de comédienne, d’interprète.
Véronique Vella. Les deux choses ne se situent pas au même endroit. Je manipule plus facilement la voix chantée que parlée, parce que la voix chantée est, par essence, plus « technique ». De plus, chanter ne m’a jamais donné le trac, ce qui me permet lorsque je chante de consacrer cent pour cent de mon énergie à faire mon métier d’actrice.
Benoît Urbain. Mon lien avec le théâtre est lié à une histoire personnelle, faite de rencontres. Et à une époque de ma vie où j’étais encore plus silencieux qu’aujourd’hui, le fait qu’existent des mots sur une scène a été vital pour moi. J’ai eu besoin des mots. C’est ainsi que j’ai pris plaisir à accompagner des poèmes, mais aussi à imaginer des mélodies. Lorsque les mots s’ajoutent à la musique, j’ai l’impression de raconter plus de choses encore. Contrairement au monde du chant, qui a ses règles strictes, dès lors que nous sommes au théâtre nous avons un surcroît de liberté : on peut s’arrêter, transformer. D’autre part, dans ma longue pratique de cet exercice, j’ai appris à animer une équipe, j’ai le sentiment de contribuer pleinement à un spectacle global. Et je suis toujours très surpris, moi qui suis extrêmement timide, de parvenir à « mener » des acteurs et des actrices. Cela réveille en moi un côté facétieux pour lequel j’ai été, je crois, utilisé par beaucoup de metteurs et metteuses en scène !
Véronique Vella. Quand Éric Ruf m’a proposé de créer un Singulis chanté – c’est une première –, il a été absolument clair pour moi que rien n’allait être chanté qui n’ait d’abord été de la poésie. C’est une évidence liée à mes rencontres, à mon enfance qui m’a fait aimer d’abord les mots des poètes, avant ceux des dramaturges. Une évidence liée également à une dimension plus politique ; je pense que face au mur de l’idéologie actuelle, la pensée, la réflexion, les idées, tous ces processus riches, complexes et morcelés constituent les seules réponses valables. S’il est un espace de résistance privilégié permettant le pas de côté, un espace irréductible à l’idéologie, à la domination, à la violence... c’est bien la poésie. C’est pour moi un véritable maquis, qui me protège de tout ce qui me met en colère. Elle n’est pas « attrapable », elle est, comme le dit le poète René Guy Cadou, « inutile comme la pluie ». Une deuxième évidence était que je voulais faire ce Singulis avec Benoît, d’abord pour des raisons artistiques, mais aussi à cause de l’amitié que je lui porte. J’aime ce qu’il raconte ; je suis donc allée le trouver avec des poèmes déjà mis en musique, mais aussi avec des poèmes que je désire chanter depuis longtemps et qui ne l’étaient pas. L’idée me plaisait que nous essuyions ensemble les plâtres sur ces textes, lui à la composition, moi au chant. De son côté, et avec la délicatesse qui le caractérise, Benoît m’a parlé d’un certain nombre de poèmes – que je ne connaissais pas forcément –sur lesquels il avait parfois déjà composé. Par nos échanges, et du fait d’affinités communes, nous avons, assez rapidement et presque naturellement, établi le programme de ce tour de chant.
Benoît Urbain. J’entends « des choses » vagues dans ma tête, mais ce dont je suis sûr c’est qu’au départ de la musique il y a le rythme, la pulsation. Il se crée ensuite une sorte d’ambiance musicale : par exemple, en lisant le texte de Lucette-Marie Sagnières – la mère de Véronique – me revenait Le Jardin féerique de Ravel, un thème à la fois conclusif et merveilleux. J’ai besoin de la pulsation du corps. Il est aussi question de cela, la sensualité. Ensuite, il y a le travail ! Et puis Véronique m’a poussé à faire des propositions, ce que je n’aurais sans doute pas osé de moi-même. Je lui chantonnais des mélodies. Nous avons ainsi cheminé dans une sorte d’évidence.
Véronique Vella. Dans son travail sur la « chose chantée », particulièrement au moment de la composition, Benoît, contrairement à certains autres compositeurs, se soucie vraiment de son partenaire au chant, quitte à trouver une autre note, tout aussi belle, lorsqu’il s’aperçoit par exemple que la première est trop haute. Toutes les mélodies composées par Benoît correspondent à mes possibilités vocales, au demi-ton près.
Benoît Urbain. J’aime la modalité, le caractère modal de la musique. Comme le requiert le principe des Singulis au Studio-Théâtre, nous allons jouer dans le décor d’un autre spectacle programmé sur la même période, Les Serge (Gainsbourg point barre). Nous avons choisi de nous inclure dans cette scénographie, en conservant une partie des instruments de cette autre pièce.
Véronique Vella. J’avais également envie que Benoît joue de « son » instrument : l’accordéon. Quand il en joue, nous ne sommes pas simplement en France dans un bal populaire, nous sommes aussi en Espagne, en Italie, dans les Balkans, en Pologne… Et lorsqu’il est au piano, on se retrouve dans une boîte de jazz, quel que soit le poète que je chante !
Véronique Vella. En lisant de la poésie, je résiste à la place que les écrans veulent prendre dans ma vie, à la rapidité du monde tel qu’on me l’impose, au zapping de l’information. Je cultive un espace qui prend son temps. Je me lève aussi, en conscience, contre les éléments de langage, cette novlangue managériale qui envahit notre environnement. En y résistant, je pense être dans mon rôle d’artiste. Je résiste à toute injonction de « performance ». La poésie n’a pas à l’être, mais parfois– aujourd’hui plus encore qu’à l’époque où Léo Ferré le disait – on a peut-être une chance qu’il y ait, dans la salle, deux ou trois personnes à qui cela « fera quelque chose ».
Benoît Urbain.. … et je veux croire que ce « quelque chose », c’est du bien. J’ai, comme Véronique, l’impression de résister à la bêtise, ainsi qu’à la matérialité, quand je me promène en terre poétique.
Entretien réalisé par Laurent Muhleisen,
Conseiller littéraire de la Comédie-Française
Photos de répétitions © Vincent Pontet
Poètes, vos papiers
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