Contre

Réalisateurs et réalisatrices à la Comédie-Française

« Le cinéma, c’est l’écriture moderne dont l’encre est la lumière », déclarait Jean Cocteau. Le théâtre aussi, pourrait-on ajouter aux propos de l’écrivain. Également inscrits au répertoire de la Comédie-Française, les auteurs, scénaristes et réalisateurs Marcel Pagnol et Sacha Guitry marquent l’histoire tant théâtrale que cinématographique, de l’écriture du projet à son interprétation et à sa réalisation derrière la caméra. Les affinités de la Comédie-Française avec le cinéma remontent aux débuts de celui-ci. Ses célèbres acteurs et actrices, comme Sarah Bernhardt ̶ vingt ans après son départ de la Troupe dans Le Duel d’Hamlet de Clément Maurice, participent à l’aventure dès 1900 et jouent, à partir de L’Assassinat du duc de Guise en 1908 (avec le sociétaire Albert-Lambet dans le rôle-titre), dans les productions du Film d’Art qui partent à la conquête du public de théâtre. La Maison de Molière devient même le sujet d’un tournage pour le grand écran avec Une soirée à la Comédie-Française de Léonce Perret en 1935, réunissant Les Précieuses ridicules de Molière et Les Deux Couverts de Sacha Guitry. Elle le sera à nouveau avec Dominique Cabrera (Ça ne peut pas continuer comme ça en 2012) et Claude Mourieras (Meurtre en trois actes en 2016). L’adaptation d’Angels in America devient Angelssalle Escande avec Arnaud Desplechin qui la tourne, à la Comédie-Française, dans la salle de répétitions ainsi nommée.

Emboitant plus tardivement le pas aux comédiennes et comédiens qui fréquentent les plateaux de tournage, le réalisateur et la réalisatrice de cinéma s’installent sur celui de la Comédie-Française pour mettre en scène des pièces de théâtre à partir de 1986 (Paul Vecchiali pour La Parisienne d’Henry Becque). L’éclectisme des nombreuses personnalités sollicitées par l’Administrateur Jacques Lassalle élargit le champ des propositions. Tandis que Jean-Christophe Averty ̶ spécialiste des collages animés et de la télévision, invité pour son goût du comique – finit par accepter l’opportunité de monter On purge bébé de Feydeau en 1991, Youssef Chahine, formé au théâtre et au cinéma, met à profit la convention que la Comédie-Française avait signée avec la FEMIS (1989) pour faire jouer des élèves de cette école dans sa mise en scène de Caligula d’Albert Camus en 1992. La deuxième vague se forme au début du mandat d’Éric Ruf avec notamment la venue d’Arnaud Desplechin, qui signe sa première en scène en choisissant Père de Strindberg (2015) et qui retrouve la Troupe cinq ans plus tard pour Angels in America de Tony Kushner (2020), pièce pour laquelle il recourt au split screen, procédé utilisé au cinéma et matérialisé sur le plateau de la Salle Richelieu. Aussi présent au théâtre qu’au cinéma, Christophe Honoré signe pour sa part l’ambitieuse adaptation scénique du Côté de Guermantes de Proust (2021). Ces deux dernières productions étant interrompues par les confinements liés à l’épidémie de la Covid, la Comédie-Française propose aux deux cinéastes de réaliser chacun un long-métrage à partir de leur mise en scène avec les membres des distributions, Angelssalle Escande pour le premier et Guermantes pour le second –Christophe Honoré y jouant son propre rôle.
Les liens que la Comédie-Française tisse entre théâtre et cinéma donnent lieu en 2008 à la production d’une collection de films originaux pour la télévision, le projet étant qu’un cinéaste s’empare d’une pièce jouée par la Troupe dans une adaptation cinématographique très libre avec les acteurs et actrices d’une mise en scène présentée Salle Richelieu parfois de façon concomitante. Ainsi, Claude Mouriéras réalise Partage de midi (2008) avec la distribution de la pièce montée par Yves Beaunesne (création 2007), Jacques Ducastel et Olivier Martineau reprennent en 2014 la distribution de Juste la fin du monde, mise en scène par Michel Raskine (2009). Mathieu Almaric adapte à l’écran L’Illusion comique (2010) avec la distribution dirigée par Galin Stoev (2008), dont Le Jeu de l’amour et du hasard est également repris par Valérie Donzelli pour son adaptation intitulée Que d’amour ! (2013). Arnaud Desplechin tourne quant à lui La Forêt (2013) avec celle de Piotr Fomenko (2003) et Valeria Bruni-Tedeschi Les Trois Sœurs (2014) avec celle d’Alain Françon (2010). Ces rencontres des genres incluent l’acteur et metteur en scène Vincent Macaigne qui réalise son premier long-métrage avec Dom Juan et Sganarelle (2015) où il dirige, derrière la caméra, les comédiens et comédiennes de la production théâtrale du Dom Juan de Jean-Pierre Vincent (2012).

Parce qu’une histoire d’amour est belle quand elle est réciproque, la Comédie-Française s’ouvre à une hybridation des genres où théâtre et cinéma se nourrissent mutuellement, qu’il s’agisse du Voyage de G. Mastorna, un scénario non réalisé de Fellini dont s’empare Marie Rémond en 2019, ou de Fanny et Alexandre que Julie Deliquet crée en 2019 à partir des œuvres romanesque et filmique homonymes d’Ingmar Bergman. Cette entrée au Répertoire du cinéaste succède à celle de Jean Renoir en 2017, lorsque Christiane Jatahy monte La Règle du jeu. Le film-même est ici à la source d’une adaptation qui conserve la forme cinématographique en faisant de la Salle Richelieu une salle de projection pendant les 30 premières minutes, durée inégalée dans les spectacles au Français. De même, le film Les Damnés de Viconti n’est pas transposé sur les planches en 2016 par Ivo van Hove ; son inspiration s’abreuve à la source, « au scénario pour le mettre en scène au théâtre».

De la diffusion d’images captées en direct à la réécriture théâtrale, toutes les formes d’(in)fidélités sont assumées, rendant passionnante cette relation que Le Silence d’après l’œuvre d’Antonioni rend encore plus éloquente en 2024. Cette création originale, radicalisant la démarche du réalisateur dans un spectacle est conçu comme un immense plan séquence, habité par une parole silencieuse.

Fellini puis, lors de la saison 2024-2025, Cassavetes : la création d’une œuvre cinématographique ne cesse de stimuler la production théâtrale.

Florence Thomas
Archiviste-documentaliste à la Comédie-Française

  • Nouveauté

    Lunettes connectées disponibles à la Salle Richelieu

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    la saison 24-25

ATTENTION

La Comédie-Française participe aux journées du Patrimoine les samedi 21 et dimanche 22 septembre 2024.
Trois visites-conférences sont proposées ces deux jours à 9H30 /10H et 10H30.

L’inscription à l’une de ses visites (3 places maximum par personne) se fait uniquement par mail, le 4 septembre 2024 à partir de 8H.

L’adresse électronique sera communiquée le 1er septembre. Les inscriptions se feront dans l’ordre de réception des courriels.

Le nombre de places est limitée à 30 personnes par visite.

SAISON 24-25

Achat des places en ligne : suivre ce lien.

Les guichets de location, et la location par téléphone sont fermés du 21 juillet au 1erseptembre inclus.


VIGIPIRATE

En raison du renforcement des mesures de sécurité dans le cadre du plan Vigipirate « Urgence attentat », nous vous demandons de vous présenter 30 minutes avant le début de la représentation afin de faciliter le contrôle.

Nous vous rappelons également qu’un seul sac (de type sac à main, petit sac à dos) par personne est admis dans l’enceinte des trois théâtres de la Comédie-Française. Tout spectateur se présentant muni d’autres sacs (sac de courses, bagage) ou objets encombrants, se verra interdire l’entrée des bâtiments.

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