Mademoiselle Raucourt

166e sociétaire

Entrée à la Comédie-Française en 1772 ; sociétaire en 1779.

Son père, médiocre comédien de campagne, la fait débuter très jeune en province. À Paris, Françoise Marie-Antoinette Josèphe Saucerotte, dite Mademoiselle Raucourt, reçoit les leçons de Brizard et débute à la Comédie, en 1772, dans le rôle-titre de Didon de Lefranc de Pompignan. Son succès est immédiat et triomphal. Tous s'accordent à louer sa beauté, sa voix, son intelligence et son expressivité. Mademoiselle Raucourt poursuit sa carrière dans tous les grands rôles de princesses, puis de reines de la tragédie : Émilie (Cinna), Monime (Mithridate), Idamé (L'Orphelin de la Chine), Hermione (Andromaque), Pulchérie (Héraclius)... Sa beauté est particulièrement admirée dans le Pygmalion de Jean-Jacques Rousseau (1775) où elle forme avec Larive un couple superbe.
Si sa vertu fut encensée à ses débuts, ses aventures défraient bientôt la chronique. La parution de libelles scandaleux et la cabale de ses nombreux créanciers, excités sans doute par une attitude volontiers provocatrice – Mademoiselle Raucourt n'hésite pas à afficher ses liaisons homosexuelles –, finissent par causer des incidents. Le public siffle, manifeste. La comédienne préfère quitter subrepticement la France, ce qui lui vaut d'être rayée du tableau des Comédiens du Roi. Après une longue tournée en Europe septentrionale, elle est rappelée à la Comédie pour occuper l'emploi des reines, devenu vacant par le départ de Mademoiselle Saint-Val. Elle reconquiert de haute lutte sa place devant le public, dispute à Mademoiselle Saint-Val cadette les rôles de son emploi, se montre admirable dans les grandes reines comme Sémiramis, Médée, Cléopâtre ou Jocaste et prend dans la troupe une place prépondérante. En 1782, les Comédiens français créent Henriette, pièce qu'elle a écrite mais qui ne remporte qu'un succès fort mitigé.

À la Révolution, royaliste convaincue, elle est emprisonnée avec les autres et ne doit son salut qu'au dévouement de Labussière. À peine libérée, elle rejoint les acteurs qui jouent au théâtre Feydeau, s'en sépare pour inaugurer, en 1796, salle Louvois un « Second Théâtre Français », qui sera fermé par ordre quelques mois plus tard pour « propos séditieux ». Loin de se décourager, elle dirige en 1798 sa propre compagnie dans la salle restaurée de l'Odéon. L'incendie de 1799 la ramène au sein de la troupe réunifiée, dont elle est l'un des piliers.
Napoléon, qui l'admire, lui confie la formation de sa protégée, Mademoiselle George, et, en 1807, lui donne la direction d'une tournée qui doit porter en Italie le prestige du théâtre français, la troupe constituée portant le nom de « Comédiens français du prince Eugène ». Les événements de 1814 et l'échec relatif de cette entreprise de relations publiques avant la lettre précipitent le retour de la tournée en France. Mademoiselle Raucourt crée en 1814 une dernière pièce, Les États de Blois, tragédie de Raynouard, et songe ensuite à se retirer, pour se consacrer à sa passion pour l'horticulture, lorsque la maladie l'emporte.

Le jour de son enterrement, devant une foule considérable, le curé de Saint-Roch prétend refuser au cortège funèbre l'entrée de l'église. Des incidents éclatent et nécessitent l'intervention de la garde et de la gendarmerie. Un ordre royal – les Bourbons sont tout juste de retour – vient obliger l'église à enterrer chrétiennement cette grande comédienne, dont le mérite fut aussi de lutter pour conserver son indépendance et exercer son métier d'actrice.

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