L'Île des esclaves

Accueillis par Trivelin, le gouverneur du lieu et le maître de jeu, tous les quatre sont sommés d’échanger leurs vêtements puis leurs statuts, et cela à des fins thérapeutiques. Pendant exactement huit jours, les habitants de l’Île des esclaves devront déposer leurs masques pour qu’éclate au grand jour la surprise du sentiment. Inspiré par la commedia dell’arte, Marivaux met cette conversion morale à l’épreuve d’un renversement carnavalesque où le rire subversif corrige « les barbaries du cœur ».

Marivaux, l'auteur
L’Île des esclaves est jouée en 1725 par les Comédiens-Italiens, avec Silvia dans le rôle de Cléanthis et Thomassin dans celui d’Arlequin. Cette comédie marque le plus grand succès de Marivaux de son vivant. Entrée en 1939 au répertoire de la Comédie-Française à l’occasion des célébrations du cent cinquantième anniversaire de la Révolution française, le metteur en scène Jacques Charon signe le retour de cette pièce en un acte sur le plateau de la Salle Richelieu en 1964. Premier volet de la trilogie des utopies insulaires comprenant L’Île de la raison et La Colonie, L’Île des esclaves confronte, sous une forme brève, deux thèmes chers à Marivaux, l’instabilité des statuts et l’expérimentation par le travestissement. Mais l’auteur, avec ce voyage théâtral en utopie, multiplie les zones de turbulences en inscrivant, au cœur d’une écriture comique ciselée, une violence parfois vertigineuse.

Benjamin Jungers, le metteur en scène
Entré à la Comédie-Française en 2007, Benjamin Jungers a notamment joué dans Existence d’Edward Bond mis en scène par Christian Benedetti, Le Mariage de Figaro de Beaumarchais, mis en scène par Christophe Rauck, La Dispute de Marivaux, mise en scène par Muriel Mayette-Holtz, ainsi que dans Les Métamorphoses, La petite dans la forêt profonde de Philippe Minyana, mises en scène par Marcial Di Fonzo Bo. En 2012, il écrit et monte un monologue dans le cadre d’une carte blanche au Théâtre du Vieux-Colombier. Dans la lecture qu’il fait de L’Île des esclaves, Benjamin Jungers est sensible à la montée en puissance de la violence à laquelle font face les personnages dépossédés non seulement de leurs statuts mais également de leur propre identité. Sur cette île à la fois carcérale et onirique, ils découvrent en eux une altérité insoupçonnable. Ils s’efforceront de l’exprimer, avec maladresse, drôlerie ou rage.