La Fontaine à la Comédie-Française
Jean de La Fontaine (1621-1695), dans sa jeunesse, s’engage successivement, dans des voies contradictoires : il hésite un temps à entrer au séminaire, puis se détourne de l’Eglise pour la poésie, avant d’acheter une charge de maître des Eaux et Forêts. Il devient proche du Surintendant Fouquet et lui écrit des poésies à la gloire de son domaine de Vaux, jusqu’à la chute brutale du protecteur. Trop proche du disgracié, il est isolé. Protégé par la duchesse douairière d’Orléans puis par Mme de la Sablière, il peut se consacrer à l’écriture de ses Contes et nouvelles en vers et des Fables. Après avoir célébré la gaillardise dans ses Contes et suscité le scandale, il renie son indépendance pour briguer un fauteuil à l’Académie. Ce retournement est en accord avec celui du règne de Louis XIV.
Le mythe de La Fontaine provient de ses Fables et de leur appropriation par l’institution scolaire – il dédit son recueil au jeune Dauphin. Elles seront largement imitées par ses successeurs au XVIIIe siècle et font de lui, sous la Troisième République, le chantre de la France.
Jean de La Fontaine, auteur au répertoire de la Comédie-Française
« Sous ce tombeau gisent Plaute et Térence
Et cependant le seul Molière y gist.
Leurs trois talens ne formaient qu’un esprit
Dont le bel art réjouissait la France.
Ils sont partis ! et j’ay peu d’espérance
De les revoir. Malgré tous nos efforts,
Pour un long temps, selon toute apparence,
Térence, et Plaute, et Molière sont morts »
Ces vers de Jean de La Fontaine ont été publiés dans Le Mercure galant en 1673 après la mort de Molière, et la bibliothèque-musée de la Comédie-Française en conserve précieusement le manuscrit original. Ils disent l’admiration du poète pour l’auteur dramatique et nous rappellent les liens amicaux qui unissaient les deux hommes, nés à un an seulement d’intervalle, en 1621 et 1622. Rien d’étonnant donc à ce que la Comédie-Française se soit penchée à plusieurs reprises sur l’œuvre du fabuliste.
La Fontaine a d’ailleurs écrit plusieurs pièces de théâtre ou livrets d’opéra, la plupart n’ont pas été joués ou ne sont connus que par fragments. Une seule comédie, en un acte en vers, est au répertoire, Le Rendez-vous créé le 6 mai 1683. D’autres pièces ont été attribuées à La Fontaine et jouées sous son nom comme Ragotin, La Coupe enchantée et Le Florentin. Elles ont parfois été attribuées au comédien Champmeslé dont La Fontaine était proche et avec qui il a probablement collaboré.
Joël Huthwohl, Directeur du département des Arts du spectacle de la BnF
Les Fables de La Fontaine à la Comédie-Française
Les Fables ont été dites officiellement pour la première fois par les Comédiens-Français, à l’occasion de la souscription pour le monument de La Fontaine en 1886, lors d’une représentation extraordinaire au Palais du Trocadéro. Outre La Coupe enchantée, le public a entendu Les Animaux malades de la peste par Louis Leloir, Le Lion amoureux par Blanche Baretta, etc. En août 1920, Emile Fabre inaugura des séances dites de récitations, avec une matinée consacrée à La Fontaine. Dans un décor de verdure où se dressait un buste du poète entouré d’un renard et d’un corbeau empaillés, la troupe, en costumes d’époque, récita treize fables, avant la représentation d’Andromaque. Béatrix Dussane, choisie pour La Laitière et le pot au lait, suggéra dès ce moment de faire plus : « le prestige de la Comédie-Française ne pourrait que s’accroître, si elle faisait une place dans son répertoire à ces fables. La jeunesse des écoles […] vient ici pour s’instruire autant que pour se divertir. Il n’y a pas de raison que La Fontaine ne soit pas accueilli ici comme le sont Racine, Corneille et Molière ; il est aussi vivant aussi récréatif, aussi théâtral même que ce dernier… ». On en resta cependant à des matinées classiques. L’initiative, très applaudie, justifia des reprises régulières, notamment en 1921, à l’occasion du tricentenaire de la naissance du poète. À l’époque furent aussi créées les matinées poétiques bimensuelles. Le principal intérêt que l’on trouvait à dire et entendre les Fables résidait dans l’exercice virtuose de diction qu’elles offraient, à cause des variations de mètres, de la nécessité de garder le naturel, de la pureté de la langue… Seule la Comédie-Française semblait aux yeux des critiques capable d’une telle prouesse dans le respect de la tradition. Émile Mas dénonce d’ailleurs la « somnolente lenteur » avec laquelle on interprète chez Copeau au Vieux-Colombier les textes classiques comme La Coupe enchantée.
Si anecdotique que cela puisse paraître, on ne peut pas passer sous silence, en parlant des Fables, l’interprétation hilarante que Robert Hirsch, déguisé en vieille sociétaire, fit en avril 1974, durant la soirée d’adieux de Louis Seigner, de La Cigale et la Petite Fourmi.
Plus sérieuse fut la programmation en 1986 par Jean-Pierre Vincent d’une soirée littéraire sur La Fontaine. Le sociétaire Yves Gasc, chargé de la mise en scène, en fit un vrai spectacle avec des décors de Philippe Boudin et des costumes de Patrice Cauchetier. Le choix de textes se composait d’extraits de pièces ou de récits de La Fontaine et d’une fable, qui permettaient d’évoquer le poète « dans sa vie même » et de faire « une démonstration de l’art du comédien ».
Plus récemment, dans le cadre des célébrations du Tricentenaire de la mort de La Fontaine, en 1995, la Comédie-Française donna une intégrale des Fables. Belle occasion de rappeler encore la dimension scénique d’une fable : « En une toute petite page et quelques vers, on a une vraie pièce de théâtre avec un début, une continuation de l’action et une conclusion. Tout cela est extrêmement condensé avec une langue extrêmement précise. Pour l’acteur, c’est très difficile. C’est comme jouer un petit rôle », expliquait alors Catherine Samie.
Avec le projet de Robert Wilson en 2004, cette théâtralité des Fables est pleinement assumée, loin des exercices de diction, des célébrations et des moralités pour jeunes gens et le vœu de Béatrix Dussane semble enfin réalisé.
Joël Huthwohl, Directeur du département des Arts du spectacle de la BnF
Jean de La Fontaine dans les collections de la Comédie-Française
La Fontaine donne aux Comédiens-Français l’occasion de présenter au public des bijoux d’écriture et de diction. Il fait partie, avec Molière, Corneille et Racine, des auteurs français du XVIIe siècle les plus populaires. On trouve donc dans les collections de la Comédie-Française des objets et représentations de l’auteur des Fables.
Informations pratiques
Exposition réalisée par la Bibliothèque-Musée de la Comédie-Française.
Les collections iconographiques de la Comédie-Française sont présentées dans la base La Grange, accessible en ligne https://www.comedie-francaise.fr/fr/base-la-grange
Pour tout renseignement, s’adresser à : Mélanie Petetin au 01 44 58 14 78
melanie.petetin@comedie-francaise.org
Copyright pour toutes les reproductions : ©Coll. Comédie-Française
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POUR LA SAISON 24-25
En raison du renforcement des mesures de sécurité dans le cadre du plan Vigipirate « Urgence attentat », nous vous demandons de vous présenter 30 minutes avant le début de la représentation afin de faciliter le contrôle.
Nous vous rappelons également qu’un seul sac (de type sac à main, petit sac à dos) par personne est admis dans l’enceinte des trois théâtres de la Comédie-Française. Tout spectateur se présentant muni d’autres sacs (sac de courses, bagage) ou objets encombrants, se verra interdire l’entrée des bâtiments.